8C_617/2016 (f) du 26.10.2017 – 143 V 385 – Fin de la couverture d’assurance / 3 al. 2 LAA / Interprétation de l’art. 7 al. 1 lit. b OLAA et rappel de la jurisprudence / Fin de l’assurance à l’extinction du droit au salaire – Indemnité journalière de l’assurance-maladie

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_617/2016 (f) du 26.10.2017, publié aux ATF 143 V 385

 

Arrêt 8C_617/2016 consultable ici
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Fin de la couverture d’assurance / 3 al. 2 LAA (dans sa teneur valable jusqu’au 31.12.2016)

Interprétation de l’art. 7 al. 1 lit. b OLAA et rappel de la jurisprudence

Fin de l’assurance à l’extinction du droit au salaire – Indemnité journalière de l’assurance-maladie – 7 al. 1 lit. b OLAA – Droit au salaire en cas d’empêchement non fautif du travailleur – 324a CO

 

Assurée victime d’un accident de la circulation le 03.07.2010. Le cas a été annoncé à l’assurance-accidents le 07.02.2011 par l’intermédiaire de l’avocat de l’assurée.

Selon un rapport d’employeur à l’intention de l’AI du 05.05.2010, il est apparu que l’assurée avait travaillé deux jours au début du mois d’août 2008. L’horaire de travail normal dans l’entreprise et celui de la personne assurée avant l’atteinte à la santé était de 47 heures et demie par semaine. L’employeur précisait : « Cet horaire est valable de août à octobre. Le reste de l’année, travail irrégulier ». Il était indiqué que l’employée avait touché des indemnités journalières pour perte de gain maladie du 27.08.2008 au 31.10.2008.

Entendu par un inspecteur de l’assurance-accidents, l’employeur a confirmé que l’intéressée avait bien été engagée, le 25.08.2008, et qu’elle avait exercé son activité professionnelle les 25.08.2008 et 26.08.2008 avant d’être en arrêt de travail. Il a précisé qu’il n’y avait pas eu de contrat écrit et que les travailleurs saisonniers étaient engagés pour la période des récoltes, en principe de début août à fin octobre. D’autre part, l’assurance perte de gain maladie a versé des indemnités journalières en faveur de l’employée, tout d’abord en mains de l’employeur jusqu’au 31.10.2008, puis directement en mains de la bénéficiaire à partir du 01.11.2008 jusqu’au 02.11.2010.

L’assurance-accidents a refusé d’accorder des prestations, en raison du défaut de couverture d’assurance-accidents au moment de l’événement du 03.07.2010.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 13.07.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Fin de l’assurance à l’extinction du droit au salaire – 3 al. 2 LAA – 7 al. 1 lit. b OLAA

L’art. 3 al. 2 LAA (dans sa teneur valable jusqu’au 31.12.2016) dispose que l’assurance-accidents obligatoire cesse de produire ses effets à l’expiration du trentième jour qui suit celui où a pris fin le droit au demi-salaire au moins. Le Conseil fédéral règle les rémunérations et les prestations de remplacement qui doivent être considérées comme salaire, la forme et le contenu des conventions sur la prolongation de l’assurance ainsi que le maintien de l’assurance en cas de chômage (art. 3 al. 5 LAA, dans sa version en vigueur jusqu’au 31.12.2016).

En vertu de cette délégation de compétence, l’autorité exécutive a édicté l’art. 7 OLAA, intitulé « Fin de l’assurance à l’extinction du droit au salaire », dont l’alinéa 1, lettre b, a la teneur suivante: « Sont réputés salaire, au sens de l’art. 3, al. 2, de la loi : les indemnités journalières de l’assurance-accidents obligatoire, de l’assurance militaire, de l’assurance-invalidité (AI) et celles des caisse-maladie et des assurances-maladie et accidents privées, qui sont versées en lieu et place du salaire, les allocations au titre de la loi du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain, de même que les allocations d’une assurance-maternité cantonale ».

Il est à relever que la phrase « qui sont versées en lieu et place du salaire » (« welche die Lohnfortzahlung ersetzen »; « sostitutive del salario ») se rapportent uniquement aux indemnités versées par les caisses-maladie et les assurances-maladie et accidents privées. Ainsi, un assuré qui perçoit des indemnités de l’assurance-accidents obligatoire, qui atteignent un demi-salaire au moins (art. 3 al. 2 aLAA; voir RAMA 1991 no U 125 p. 212) continue à bénéficier d’une couverture d’assurance selon la LAA indépendamment d’un éventuel droit au salaire à l’encontre de son employeur (arrêt 8C_400/2009 du 25 janvier 2010 consid. 2.1; cf. aussi ATF 113 V 127 consid. 2a p. 129).

Au sens de l’art. 7 al. 1 let. b OLAA, les indemnités versées par l’assurance-maladie ne sont réputées salaires que lorsqu’elles remplacent le salaire dû par l’employeur en vertu de l’art. 324a CO. La question du droit au salaire est ainsi déterminante pour fixer la nature des indemnités journalières versées par l’assurance-maladie. Elle l’est par conséquent également lorsqu’il s’agit de fixer le moment de la fin du droit à la couverture d’assurance-accidents.

 

Droit au salaire en cas d’empêchement non fautif du travailleur – 324a CO

L’art. 324a al. 1 CO prévoit que si le travailleur est empêché de travailler, sans faute de sa part, pour des causes inhérentes à sa personne – comme par exemple la maladie ou l’accomplissement d’une obligation légale -, l’employeur lui verse le salaire pour un temps limité, y compris une indemnité équitable pour le salaire en nature perdu, dans la mesure où les rapports de travail ont duré plus de trois mois ou ont été conclus pour plus de trois mois. Pendant la première année de service, ce temps limité ne peut pas être inférieur à trois semaines ; par la suite, il s’agit d’une période plus longue, à fixer équitablement d’après la durée des rapports de travail et les circonstances particulières (al. 2). Un accord écrit, un contrat-type de travail ou une convention collective peut déroger à ces dispositions à condition d’accorder au travailleur des prestations au moins équivalentes (art. 324a al. 4 CO). L’art. 324a al. 4 CO permet ainsi de substituer, notamment par un accord écrit, une couverture d’assurance à l’obligation légale de payer le salaire, à condition toutefois que les travailleurs bénéficient de prestations au moins équivalentes. Dans le domaine de l’assurance couvrant le risque de perte de gain en cas de maladie, les parties peuvent librement choisir, soit de conclure une assurance sociale d’indemnités journalières régie par les art. 67 à 77 LAMal, soit de conclure une assurance d’indemnités journalières soumise à la LCA (RS 221.229.1) (GUY LONGCHAMP, in: Commentaire du contrat de travail, Jean-Philippe Dunand/Pascal Mahon éd., 2013, n. 41 ss ad art. 324a CO; RÉMY WYLER/BORIS HEINZER, Droit du travail, 3e éd. 2014, p. 240 ss).

L’art. 324a al. 1 et 2 CO étant une norme relativement impérative, des dérogations peuvent être prévues par les parties. Par exemple, il est permis d’assurer la couverture des empêchements de travailler survenant durant les trois premiers mois de travail, lorsque les rapports ont été conclus pour moins de trois mois (LONGCHAMP, op.cit., n. 32 ad art. 324a CO). Dans le cas d’un régime plus favorable, les indemnités journalières doivent être considérées comme des prestations versées en lieu et place du salaire, conformément à l’art. 7 al. 1 let. b OLAA, aussi longtemps qu’elles sont dues selon le contrat d’assurance, mais au plus tard jusqu’à la cessation des rapports de travail. Autrement dit, les indemnités journalières d’assurance-maladie ne représentent plus une prestation accordée en remplacement du salaire après la fin des rapports de travail (arrêt dans les causes jointes 8C_147/2015 et 8C_149/2015 du 8 juillet 2015 consid. 5.2). Lorsqu’il existe un régime plus favorable, ce n’est donc pas le régime minimum de l’art. 324a CO qui est déterminant pour le maintien de la couverture d’assurance LAA.

Selon l’art. 334 al. 1 CO, le contrat de durée déterminée se définit comme celui qui prend fin sans qu’il soit nécessaire de donner congé. La durée du contrat doit être fixée par la loi, la convention des parties ou la nature de l’affaire. Ainsi, dans tous les cas où l’on ne peut pas constater la fixation d’une échéance, le contrat est considéré comme de durée indéterminée et un congé est alors nécessaire pour y mettre fin; c’est pourquoi la doctrine et la jurisprudence admettent qu’il faut présumer l’existence d’un contrat de durée indéterminée et qu’il incombe à la partie qui soutient le contraire d’apporter la preuve qu’une échéance a été fixée (arrêts 4A_531/2008 du 4 février 2009 consid. 2.1; B 90/00 du 26 novembre 2001 consid. 4c publié in: RSAS 2003, p. 503 s; WYLER/HEINZER, op. cit. p. 497).

 

En l’espèce, les premiers juges ont relevé un certain nombre d’éléments de fait qui plaident en faveur d’un contrat de durée déterminée limitée à moins de trois mois, dont : la nature de l’activité exercée par l’employeur (coopérative dont le but est la défense des intérêts de ses membres dans la production et la commercialisation fruitière) et l’emploi d’ouvriers agricoles pour le ramassage des fruits en général du mois d’août à fin octobre. Un autre indice en faveur d’un contrat de durée déterminée réside dans le fait que l’indemnité journalière a été versée à l’employeur jusqu’au 31.10.2008.

A ce dernier propos, on notera que l’art. 19 al. 2 LPGA prévoit que les indemnités journalières et les prestations analogues sont versées à l’employeur dans la mesure où il continue à verser le salaire à l’assuré malgré son droit à des indemnités journalières (cf. pour les assurances collectives perte de gain en cas de maladie, l’art. 72 al. 6 LAMal; voir à ce sujet GEBHARD EUGSTER, Vergleich der Krankentaggeldversicherung [KTGV] nach KVG und nach VVG, in: Krankentaggeldversicherung: Arbeits- und versicherungsrechtliche Aspekte, 2007, p. 78; WYLER/HEINZER op. cit., p. 242; cf. également, à propos de l’indemnité journalière de l’assurance-accidents, l’art. 49 al. 1 LAA). Quant à l’assurance privée prévue par la LCA, le contrat peut prévoir le versement des indemnités en mains de l’employeur; celui-ci accomplit une tâche administrative définie par le contrat d’assurance, en ce sens qu’il lui appartient d’encaisser les indemnités journalières lesquelles sont cependant dues à l’assuré, et non pas à lui (ATF 141 III 112 consid. 4.4 p. 114; CHRISTOPH FREY/NATHALIE LANG, in: Basler Kommentar, Versicherungsvertragsgesetz, Nachführungsband, 2012, n. 18 ad art. 87 LCA). Or le versement à l’employeur dans ces différents cas de figure présuppose, par définition, le maintien d’un rapport de travail. Si tel n’est pas le cas, l’indemnité est versée directement à l’assuré, qui en est le créancier (cf. EUGSTER, ibidem; ATF 141 III 112, cité, consid. 4.3 p. 113).

Dans le cas particulier, le fait que l’indemnité a été versée en mains de l’assurée à partir du 01.11.2008 est donc un indice sérieux en faveur d’un contrat de durée limitée au 31.10.2008.

Selon les informations recueillies auprès de l’assurance perte de gain maladie, l’assurée a bénéficié des indemnités journalières (jusqu’au 02.11.2010) « y compris par l’intermédiaire d’une couverture de libre passage ». Cela donne à penser qu’elle avait cessé d’appartenir au cercle des assurés défini par le contrat en raison de la fin des rapports de travail (voir pour l’assurance collective selon la LAMal, l’art. 71 LAMal et EUGSTER, Krankenversicherung, in: Soziale Sicherheit, SBVR, 3ème éd. 2016, p. 850 sv. n. 1491 ss; pour l’assurance collective selon la LCA, voir VINCENT BRULHART, L’assurance collective contre la perte de gain en cas de maladie, in: Le droit social dans la pratique de l’entreprise, 2006, p. 101).

Dans les explications qu’il a fournies à l’assurance-accidents, l’employeur a clairement indiqué, en relation avec le cas d’espèce, que les travailleurs saisonniers étaient engagés pour la période des récoltes (début août à fin octobre).

Le TF conclut que les parties étaient liées par un contrat de durée déterminée qui a pris fin en octobre 2008. A la date de l’accident (03.07.2010), l’ « assurée » n’était plus soumise à la LAA, même compte tenu de la couverture prolongée de trente jours prévus (art. 3 al. 2 aLAA).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

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