9C_40/2017 (f) du 02.06.2017 – Refus de prise en charge de frais de transformation / d’aménagement d’un logement – Obligation de diminuer le dommage

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_40/2017 (f) du 02.06.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2wRjuQG

 

Refus de prise en charge de frais de transformation / d’aménagement d’un logement – Obligation de diminuer le dommage

 

Assuré souffrant depuis l’enfance d’une amyotrophie spinale de type Werdnig-Hoffmann et d’un syndrome pulmonaire restrictif sévère consécutif à l’amyotrophie, au bénéfice d’une demi-rente de l’AI ainsi que d’une allocation pour impotent de degré grave ainsi que d’une contribution d’assistance. L’assuré a besoin d’une aide durable dans les soins de base.

Il est propriétaire d’un appartement depuis le 11.10.2006. En septembre 2010, il a envoyé à l’office AI diverses factures pour un montant total de 138’279 fr. 10. La Fédération suisse de consultation en moyens auxiliaire pour personnes handicapées (FSCMA), mandaté par l’office AI, n’a pu visiter l’appartement de l’assuré qu’après que les modifications eurent été effectuées, si bien qu’il lui était impossible de se prononcer sur la majorité des transformations réalisées et leur nécessité, ni sur la pertinence de l’intervention d’un architecte.

L’office AI a limité sa participation financière aux moyens auxiliaires à 54’282 fr. 20, le solde de 83’996 fr. 90 restant à charge de l’assuré. Le 28.07.2014, l’office AI a notifié cinq projets de décisions refusant toute prise en charge additionnelle de frais, dans la mesure où les aménagements auraient pu être planifiés lors de la construction du bâtiment. Après une inspection des lieux du 07.11.2014, il est ressorti que la majorité des travaux litigieux était en lien avec un studio indépendant créé à l’initiative de l’assuré dans le but d’assurer le respect de son intimité mais aussi de celle de son personnel de santé.

Par cinq décisions du 11.05.2015, l’office AI a rejeté toute prise en charge supplémentaire au titre de frais de transformation ou d’aménagement, car l’assuré avait déjà bénéficié des moyens auxiliaires indispensables, simples et adéquats et qu’il ne pouvait prétendre à la meilleure solution. Il a souligné que la demande de prestations avait été déposée tardivement, que l’intervention d’un bureau d’ingénieur n’était pas nécessaire, que le déplacement des systèmes de ventilation et de chauffage ainsi que l’aménagement d’un studio ne répondaient pas aux critères de moyens auxiliaires et que la salle de bain n’avait pas été modifiée mais déplacée. En outre, le lift de transfert au plafond était suffisant pour permettre à l’assuré de recevoir les soins (toilette) indispensables, de sorte que les aménagements de la salle de bain ne pouvaient être pris en charge.

 

Procédure cantonale

Les premiers juges ont considéré que l’assuré avait mis l’office AI devant le fait accompli, dès lors que les travaux avaient été exécutés en l’absence de devis qui auraient permis de comparer des offres ; de la sorte, l’assuré n’avait pas respecté son obligation de réduire le dommage. Les juges cantonaux ont aussi relevé qu’à partir du moment où il avait souhaité quitter le domicile de ses parents, l’assuré aurait pu trouver dans un délai raisonnable un immeuble projeté en cours de construction ou un appartement moins récent mais mieux aménagé à son handicap et ne nécessitant pas un quasi réaménagement complet.

Par jugement du 01.12.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Dans le domaine de l’assurance-invalidité, on applique de manière générale le principe selon lequel un invalide doit, avant de requérir des prestations, entreprendre de son propre chef tout ce qu’on peut raisonnablement attendre de lui, pour atténuer le mieux possible les conséquences de son invalidité. L’obligation de diminuer le dommage s’applique aux aspects de la vie les plus variés. Toutefois, le point de savoir si une mesure peut être exigée d’un assuré doit être examiné au regard de l’ensemble des circonstances objectives et subjectives du cas concret (ATF 113 V 22 consid. 4a p. 28 et les références ; voir aussi ATF 138 I 205 consid. 3.2 p. 209).

Ainsi doit-on pouvoir exiger de celui qui requiert des prestations qu’il prenne toutes les mesures qu’un homme raisonnable prendrait dans la même situation s’il devait s’attendre à ne recevoir aucune prestation d’assurance. Au moment d’examiner les exigences qui peuvent être posées à un assuré au titre de son obligation de réduire le dommage, l’administration ne doit pas se laisser guider uniquement par l’intérêt général à une gestion économique et rationnelle de l’assurance, mais doit également tenir compte de manière appropriée du droit de chacun au respect de ses droits fondamentaux. La question de savoir quel est l’intérêt qui doit l’emporter dans un cas particulier ne peut être tranchée une fois pour toutes. Cela étant, plus la mise à contribution de l’assureur est importante, plus les exigences posées à l’obligation de réduire le dommage devront être sévères. C’est le cas, par exemple, lorsque la renonciation à des mesures destinées à réduire le dommage conduirait à l’octroi d’une rente ou au reclassement dans une profession entièrement nouvelle. Selon les circonstances, le maintien ou le déplacement d’un domicile, respectivement le lieu de travail, peut apparaître comme étant une mesure exigible de l’assuré. Conformément au principe de la proportionnalité, il convient en revanche de faire preuve de prudence dans l’invocation de l’obligation de réduire le dommage lorsqu’il s’agit d’allouer ou d’adapter certaines mesures d’ordre professionnel afin de tenir compte de circonstances nouvelles relevant de l’exercice par l’assuré de ses droits fondamentaux. Demeurent réservés les cas où les dispositions prises par l’assuré doivent être considérées, au regard des circonstances concrètes, comme étant déraisonnables ou abusives (ATF 138 I 205 consid. 3.3 p. 209 et les références ; arrêt 9C_661/2016 du 19 avril 2017 consid. 2.3 et les références).

La réglementation applicable en matière de moyens auxiliaires (art. 21 ss LAI) et de contribution d’assistance (art. 42quater ss LAI) ne prévoit aucune obligation de la part de l’assurance-invalidité de réserver l’usage d’un studio ou d’un appartement séparés à un assistant de vie, ni a fortiori de financer les coûts d’aménagement de tels locaux. Pareille prétention ne découle pas non plus des art. 8 par. 1 CEDH et 13 al. 1 Cst.

En l’espèce, la mise à disposition d’une chambre séparée pour l’assistant de vie dans l’appartement de l’assuré aurait constitué une mesure simple et adéquate répondant aux réquisits légaux en matière de prise en charge de moyens auxiliaires (art. 21 al. 3 LAI). Cela aurait non seulement permis au recourant de vivre chez lui en préservant sa sphère privée, garantie par les art. 8 par. 1 CEDH et 13 al. 1 Cst., mais une telle mesure aurait accru sa sécurité puisque son assistant aurait ainsi pu intervenir plus rapidement en cas de nécessité. Il s’ensuit que les coûts des travaux d’aménagements litigieux à concurrence de 62’225 fr. 90 auxquels l’assuré a consenti ne sont pas indispensables. Ils ne sauraient donc être financés par l’office AI à titre de moyens auxiliaires.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_40/2017 consultable ici : http://bit.ly/2wRjuQG

 

 

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