9C_722/2016 (f) du 17.02.2017 – Rente d’invalidité – Choix de la méthode d’évaluation

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 (f) du 17.02.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2mUMD8s

 

Rente d’invalidité – Choix de la méthode d’évaluation

 

1ère demande AI le 17.06.1975 pour une assurée, vendeuse de mars à juin 1973 et de janvier à décembre 1974. Elle était sans activité professionnelle depuis cette date en raison de ses difficultés à marcher, en relation avec lesquelles elle avait subi deux opérations de la colonne vertébrale (excision de lipomes intramédullaires). Octroi d’une rente entière dès le 01.12.1975.

A la suite de la reprise d’une activité par l’assurée, suppression de la rente entière dès le 30.11.1977, mais maintien du droit à une demi-rente pour cas pénible. Suppression de ce droit à partir du 31.07.1980, en raison du mariage de l’assurée et de l’amélioration des conditions financières qui en résultait.

Nouvelle demande AI le 07.11.2011. Elle a indiqué être femme au foyer et souffrir de différentes atteintes à la santé depuis 1973.

Par projet de décision, l’office AI a informé l’assurée qu’il prévoyait de rejeter sa demande de prestations, considérant qu’elle était femme au foyer et, selon les résultats de l’enquête ménagère, présentait un taux d’empêchement de 28,3 % dans l’accomplissement des travaux habituels. L’intéressée a présenté ses objections ; elle a notamment informé l’administration qu’elle avait travaillé comme concierge d’une paroisse communale durant 25 ans jusqu’à fin 2010.

Après nouvelles investigations, l’office AI a rejeté la demande de l’assurée, considérant que le taux d’incapacité ménagère de 28,3 % n’ouvrait pas le droit à une rente.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal a considéré que l’assurée se consacrait à l’entretien de son ménage par choix, plutôt qu’en raison de ses problèmes de santé, ce qui devait conduire à appliquer la méthode spécifique. Pour parvenir à cette conclusion, il a passé en revue le parcours professionnel de l’assurée (vendeuse et caissière entre 1973 et 1980, avec plusieurs périodes d’interruption en raison de ses atteintes à la santé ; concierge à temps partiel [12 %] de 1988 à 2010 ; marchés artisanaux entre 2007 et 2010). Il a aussi retenu que les déclarations de l’assurée relatives à sa situation professionnelle avaient évolué en cours de procédure.

Par jugement du 06.09.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Pour déterminer la méthode d’évaluation de l’invalidité applicable au cas particulier, il faut se demander ce que l’assuré aurait fait si l’atteinte à la santé n’était pas survenue. Lorsque l’assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d’examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l’essentiel de son activité à son ménage ou s’il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d’activité probable de l’assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l’éducation des enfants, l’âge de l’assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels. L’éventualité de l’exercice d’une activité lucrative partielle ou complète doit être établie au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 137 V 334 consid. 3.2 p. 338 et les références). Le point de savoir si et dans quelle mesure l’assuré exercerait une activité lucrative ou resterait au foyer s’il n’était pas atteint dans sa santé, en tant qu’il repose sur l’évaluation du cours hypothétique des évènements, est une question de fait, pour autant qu’il repose sur une appréciation des preuves, et cela même si les conséquences tirées de l’expérience générale de la vie sont également prises en considération (ATF 133 V 477 consid. 6.1; arrêt 9C_33/2016 du 16 août 2016 consid. 7.2). Dès lors, les constatations du jugement attaqué lient en principe le Tribunal fédéral, sauf si elles sont manifestement inexactes ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF).

L’assurée souffre d’atteintes à la santé depuis l’adolescence et sa capacité de travail en est diminuée, voire nulle, depuis une trentaine d’années. Il convient donc de se demander non pas si l’assurée aurait chercher à se réinsérer sur le marché du travail au moment du départ à la retraite de son époux, après avoir été inactive pendant plusieurs dizaines années et alors qu’elle était déjà atteinte dans sa santé, mais d’examiner quelle aurait vraisemblablement été son activité au moment du prononcé de la décision litigieuse si elle n’avait pas été atteinte dans sa santé de manière invalidante, et ce depuis 1980 en tout cas.

La question est certainement délicate à résoudre compte tenu de la période relativement courte et remontant loin dans le passé pendant laquelle l’assurée jouissait d’une bonne santé, de l’écoulement du temps depuis lors et d’autres facteurs (naissance et éducation d’un enfant, situation financière, etc.) qui auraient pu influencer ses décisions.

Les constatations de l’autorité cantonale font donc apparaître que, sous réserve des années suivant immédiatement la naissance de son fils, l’assurée a toujours exercé certaines activités malgré ses atteintes à la santé, dans une mesure correspondant à la mise en œuvre maximale de sa capacité de travail. Le faible taux d’activité de l’assurée ne s’explique donc pas, ou à tout le moins pas uniquement, par un choix ou par le souhait de privilégier son activité au foyer ou des hobbys. Il reflète également la capacité de travail réduite de l’assurée, qui ne lui aurait pas permis de reprendre un emploi à temps plein même après l’indépendance de son fils.

Selon le TF, l’assurée a rendu plausible, au degré de la vraisemblance prépondérante, que si elle n’avait pas été atteinte dans sa santé, elle aurait exercé une activité lucrative à 100 % au moment du prononcé de la décision litigieuse. Sur la base des éléments au dossier, le TF conclut que l’assurée présente une incapacité de gain suffisante pour ouvrir le droit à une rente entière de l’assurance-invalidité (art. 28 al. 2 LAI), et ce dès le 01.05.2011 (art. 29 al. 1 LAI; cf. ATF 140 V 2 consid. 5 p. 5).

 

Le TF admet le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_722/2016 consultable ici : http://bit.ly/2mUMD8s

 

 

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