8C_196/2016 (f) du 09.02.2017 – Causalité adéquate selon 115 V 133 – Troubles psychiques – 6 LAA / Casuistique des accidents impliquant des cyclistes percutés par un autre usager de la route – Accident de gravité moyenne au sens strict

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_196/2016 (f) du 09.02.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2mLVdCH

 

Causalité adéquate selon 115 V 133 – Troubles psychiques / 6 LAA

Casuistique des accidents impliquant des cyclistes percutés par un autre usager de la route – Accident de gravité moyenne au sens strict

Critère de la nature particulière des lésions physiques admis

Critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail et celui des difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes niés

 

Assurée circulant à vélo qui, le 06.10.1999, est percutée par un trolleybus. Selon le rapport des pandores, le chauffeur n’avait pas laissé une distance latérale suffisante en dépassant l’assurée, de sorte qu’un choc s’était produit entre l’avant droit du trolleybus et le flanc gauche du vélo. La chute a provoqué une plaie ouverte du bras et de certaines parties de l’avant-bras, une contusion-abrasion du coude, ainsi qu’une contusion de la cheville gauche, nécessitant une hospitalisation jusqu’au 29.11.1999. L’assurée a subi trois greffes cutanées au niveau du bras gauche et suivi des séances de physiothérapie.

L’assurée a souffert d’un syndrome de stress post-traumatique et d’un état dépressif moyen. L’assureur-accidents a mis fin à son obligation de prester avec effet au 31.07.2007. Des conclusions de l’expertise pluridisciplinaire, il apparaît que l’assurée souffrait depuis l’enfance d’un trouble de la personnalité relativement sévère, que son état de stress post-traumatique avait cessé d’être incapacitant au milieu de l’année 2005 et que son trouble dépressif récurrent était dû à d’autres facteurs que l’accident.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/106/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2mZYTkS)

Laissant la question de la causalité naturelle ouverte, les premiers juges ont nié l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident du 06.10.1999 et les troubles psychiques présentés par l’assurée. À ce propos, ils ont classé l’accident dans la catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu. Par jugement du 10.02.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Classification de l’accident

Pour procéder à la classification de l’accident dans l’une des trois catégories prévues par la jurisprudence, il faut uniquement se fonder, d’un point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même. Sont déterminantes les forces générées par l’accident et non pas les conséquences qui en résultent. La gravité des lésions subies – qui constitue l’un des critères objectifs pour juger du caractère adéquat du lien de causalité – ne doit être prise en considération à ce stade de l’examen que dans la mesure où elle donne une indication sur les forces en jeu lors de l’accident (arrêts 8C_818/2015 du 15 novembre 2016 consid. 5.1 et 8C_1007/2012 du 11 décembre 2013 consid. 5.3.1).

Si l’on se réfère à la casuistique des accidents impliquant des cyclistes percutés par un autre usager de la route (véhicule automobile ou cyclomoteur), les cas classés dans la catégorie des accidents de gravité moyenne ont en commun le fait que la collision s’est produite alors que le véhicule impliqué circulait à une vitesse plutôt modérée (arrêts 8C_62/2013 du 11 septembre 2013 consid. 7.3; 8C_816/2012 du 4 septembre 2013 consid. 7.1; 8C_530/2007 du 10 juin 2008 consid. 5.2.2). En revanche, dans deux arrêts récents, le Tribunal fédéral a considéré que l’accident subi par un cycliste violemment percuté par une voiture et projeté à 30 mètres de la zone de choc, de même que la collision d’un cycliste, projeté à plus de 20 mètres de la zone de choc, avec un véhicule roulant à une vitesse de 60 à 70 km/h, devaient être qualifiés d’accidents de gravité moyenne à la limite des cas graves (arrêts 8C_929/2015 du 5 décembre 2016 consid. 4.3.3 et 8C_818/2015 du 15 novembre 2016 consid. 5.3).

En l’espèce, au moment du choc, la vitesse du trolleybus était de l’ordre de 26 à 27 km/h. En outre, le point de chute de l’assurée se situait après des traces de ripages du cycle d’une longueur de 3 mètres 30. Au vu de ces éléments, la violence du choc apparaît de moindre importance que dans les deux cas précités. Dès lors, il ne se justifie pas de classer l’accident du 06.10.1999 dans la catégorie des accidents de gravité moyenne à la limite des cas graves. C’est donc à juste titre que les juges cantonaux ont rangé l’événement du 06.10.1999 parmi les accidents de gravité moyenne au sens strict, conformément à la casuistique citée plus haut.

 

Examen du lien de causalité adéquate en présence d’un accident de gravité moyenne

En présence d’un accident de gravité moyenne, il faut prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140, 403 consid. 5c/aa p. 409) :

  • les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident;
  • la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques;
  • la durée anormalement longue du traitement médical;
  • les douleurs physiques persistantes;
  • les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident;
  • les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes;
  • le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques.

Il n’est pas nécessaire que soient réunis dans chaque cas tous les critères afin que la causalité adéquate soit admise. Dans le cas d’un accident de gravité moyenne proprement dit, il faut un cumul de trois critères sur les sept ou au moins que l’un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante pour l’accident (arrêt 8C_897/2009 du 29 janvier 2010 consid. 4.5, in SVR 2010 UV n° 25 p. 100 ss.).

 

Critère de la nature particulière des lésions physiques admis

Compte tenu de la lésion au membre supérieur gauche (plaie avec perte de substance de certaines parties de l’avant-bras) et de l’aspect séquellaire peu esthétique, il faut admettre avec les premiers juges que le critère de la nature particulière des lésions physiques est réalisé.

 

Critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail nié

L’assurée a repris son activité professionnelle (à titre thérapeutique) à 25% en mars 2000, soit environ cinq mois après l’accident, avant de l’interrompre en avril 2001 et d’être licenciée pour le 31.01.2002. En outre, la présence de troubles psychiques incapacitants a rapidement été décelée. Un état dépressif aurait déjà été relevé en janvier 2000. Les premiers juges admettent d’ailleurs que les pièces du dossier médical ne permettent pas de déterminer le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux seuls troubles physiques. Dans ces conditions, on ne saurait considérer, même dans le doute, que le critère est réalisé.

 

Critère des difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes

L’existence de difficultés apparues au cours de la guérison et de complications importantes au motif de douleurs persistantes et des limitations fonctionnelles ne peut être admise. En effet, il doit exister des motifs particuliers ayant entravé la guérison, et ce même s’il n’a pas été possible de supprimer les douleurs de l’intéressée, ni même de rétablir une capacité de travail entière (cf. arrêts 8C_252/2007 du 16 mai 2008 consid. 7.6 et 8C_57/2008 du 16 mai 2008 consid. 9.6.1). Par ailleurs si le chirurgien orthopédique fait état en novembre 2000 de l’apparition de troubles dystrophiques sous la forme principalement d’une capsulite rétractile, il indique toutefois dans un rapport subséquent (avril 2001) que ces troubles sont en voie d’amélioration, puis n’en fait plus mention. A propos de la capsulite rétractile, un des médecins-expert, spécialiste en rhumatologie, médecine physique et réadaptation, parle d’ailleurs d’une évolution « naturelle ». On ne peut dès lors pas parler de difficultés ou de complications significatives. Quant à la fracture de la corne de l’os naviculaire posé en 2004, il s’agit d’une lésion provoquée par l’accident et non d’une complication séquellaire. Même si elle n’a été diagnostiquée qu’en 2004, on ne voit pas en quoi elle aurait entravé la guérison, ce d’autant moins qu’elle n’a pas nécessité d’intervention chirurgicale ni de traitement médical particulier (si ce n’est le port d’une semelle).

 

Critère de la persistance des douleurs physiques

Il ressort du rapport d’expertise une discordance entre les signes cliniques objectifs relevés et les douleurs alléguées par l’assurée, lesquelles sont associées à une importante composante psychogène. En outre, un des médecins-expert, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a mis en évidence que l’assurée avait suspendu la prise de son traitement antalgique depuis quelques mois. La question de savoir si le critère relatif à la persistance des douleurs doit tout de même être admis au regard de la zone cicatricielle particulièrement sensible peut rester ouverte.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_196/2016 consultable ici : http://bit.ly/2mLVdCH

 

 

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