8C_153/2016 (f) du 13.12.2016 – Rixe – Blessures par balles – Réduction des prestations en espèces – 39 LAA – 49 al. 2 OLAA / Lien de causalité adéquate

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_153/2016 (f) du 13.12.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2jB02x0

 

Rixe – Blessures par armes à feu – Réduction des prestations en espèces – 39 LAA – 49 al. 2 OLAA

Lien de causalité adéquate

 

Assuré blessé par plusieurs coups de feu, tirés par D.__, à la suite d’une altercation survenue en février 2015 devant une discothèque. Une action pénale a été ouverte contre D.__ pour tentative de meurtre, éventuellement mise en danger de la vie d’autrui.

Faits

Vers quatre heures du matin, l’assuré et D.__ avaient eu une altercation verbale à l’intérieur de la discothèque au sujet de l’amie de ce dernier, E.__. Les deux hommes étaient ensuite sortis de la discothèque, accompagnés de F.__, agent de sécurité de l’établissement. Ils avaient continué à se disputer, avant d’en venir aux mains. D.__ avait poussé son adversaire et lui avait asséné un coup de poing. L’assuré l’avait à son tour bousculé. Finalement, les deux protagonistes avaient été séparés par des témoins de la scène. L’assuré avait alors été ramené et retenu à l’intérieur de la discothèque, cependant que D.__ était resté dehors. Depuis la discothèque, l’assuré avait téléphoné à un ami, G.__, pour qu’il vienne le chercher. Il avait été convenu que ce dernier l’attendrait avec son véhicule près d’une porte à l’arrière de l’établissement. A l’arrivée de G.__, l’assuré était sorti avec l’agent de sécurité de l’établissement, qui devait l’accompagner jusqu’à la voiture. Sur le chemin, D.__, accompagné d’un autre homme, était venu vers eux, muni d’un bâton. L’assuré était alors allé à leur rencontre. Les trois hommes s’étaient rejoints au milieu de la route. L’agent de sécurité et G.__ s’étaient également approchés. L’assuré et D.__ étaient excités. A un certain moment, celui-ci était allé vers sa voiture « pour chercher la fille ». Il était revenu et avait frappé l’assuré avec son bâton. Celui-ci avait tenté de se protéger. D.__ avait alors chargé un pistolet et fait feu à plusieurs reprises.

 

Rixe – 39 LAA – 49 al. 2 OLAA

Édicté par le Conseil fédéral en vertu de la délégation de compétence de l’art. 39 LAA, l’art. 49 al. 2 OLAA dispose que les prestations en espèces sont réduites au moins de moitié en cas d’accident non professionnel survenu notamment en cas de participation à une rixe ou à une bagarre, à moins que l’assuré ait été blessé par les protagonistes alors qu’il ne prenait aucune part à la rixe ou à la bagarre ou qu’il venait en aide à une personne sans défense (let. a), ou encore lors de dangers auxquels l’assuré s’expose en provoquant gravement autrui (let. b).

Il y a lieu de rappeler que la notion de participation à une rixe ou à une bagarre est plus large que celle de l’art. 133 CP.

Pour admettre l’existence d’une telle participation, il suffit que l’assuré entre dans la zone de danger, notamment en participant à une dispute. Peu importe qu’il ait effectivement pris part activement aux faits ou qu’il ait ou non commis une faute: il faut au moins qu’il se soit rendu compte ou ait pu se rendre compte du danger.

Il doit en outre exister un lien de causalité entre le comportement de la personne assurée et le dommage survenu. Si l’attitude de l’assuré – qui doit être qualifiée de participation à une rixe ou à une bagarre – n’apparaît pas comme une cause essentielle de l’accident ou si la provocation n’est pas de nature, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, à entraîner la réaction de violence, l’assureur-accidents n’est pas autorisé à réduire ses prestations d’assurance. Il convient de déterminer rétrospectivement, en partant du résultat qui s’est produit, si et dans quelle mesure l’attitude de l’assuré apparaît comme une cause essentielle de l’accident (ATF 134 V 315 consid. 4.5.1.2 p. 320; arrêt 8C_445/2013 du 27 mars 2014 consid. 3.1).

 

Après une première altercation, qui avait nécessité l’interposition de tiers pour séparer les deux protagonistes et la mise à l’écart de l’assuré à l’intérieur de la discothèque, celui-ci pouvait s’attendre à ce que la situation dégénère à nouveau en voyant D.__ qui l’avait attendu et qui s’avançait dans sa direction. Tout portait à croire que l’assuré craignait une nouvelle bagarre. Ainsi le fait que D.__ était resté trente minutes environ sur le parking devait donner à penser qu’il n’entendait pas en rester là. La circonstance que l’assuré avait auparavant jugé utile d’appeler un ami pour venir le chercher près d’une porte à l’arrière de la discothèque témoigne des craintes qu’il éprouvait sur les intentions de D.__. Or, une fois arrivé près de la voiture de G.__, au lieu de chercher à éviter la confrontation, il est allé à la rencontre de D.__, se plaçant ainsi dans la zone de danger exclue de la couverture d’assurance.

 

Lien de causalité adéquate

Il y a une interruption du rapport de causalité adéquate si une autre cause, qu’il s’agisse d’une force naturelle ou du comportement d’une autre personne, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l’on ne pouvait pas s’y attendre; l’imprévisibilité d’un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate; il faut encore que cet acte ait une importance telle qu’il s’impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l’événement considéré, reléguant à l’arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l’amener et notamment le comportement en discussion (ATF 134 V 340 consid. 6.2 p. 349; 133 V 14 consid. 10.2 p. 23; 130 III 182 consid. 5.4 p. 188). Par exemple, le Tribunal fédéral a jugé que lorsqu’un membre d’une famille (en l’espèce, la fille) entre dans la chambre d’un autre (en l’occurrence, le père) en insistant pour avoir une discussion orageuse, on ne pouvait s’attendre, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience en générale de la vie, à ce que l’autre réagisse en tirant sur lui avec un revolver. Dans un tel cas, le lien de causalité adéquate entre le comportement reproché à la victime et le résultat survenu a été nié (arrêt 8C_363/2010 du 29 mars 2011 et, concernant la même affaire, au plan civil, arrêt 4A_66/2010 du 27 mai 2010).

Dans le cas présent, il n’y a pas d’éléments comparables à ceux de ces deux arrêts. Sans doute, l’assuré ne devait-il pas s’attendre à ce que D.__ tire plusieurs coups de feu dans sa direction. Mais cela ne suffit pas pour admettre une interruption du lien de causalité adéquate entre l’attitude de l’assuré et l’atteinte dont il était victime.

Lorsqu’il est venu à la rencontre de l’assuré, D.__, qui avait attendu trente minutes à l’extérieur et qui était accompagné d’un autre homme (« un costaud » selon ce même témoin) était visiblement résolu à en découdre. Dans un tel contexte l’assuré ne pouvait pas totalement exclure que D.__ se serve d’une arme dangereuse – quelle qu’elle fût – qui soit propre à entraîner des lésions allant de par leur gravité au-delà de celles qui résultent de simples voies de fait.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_153/2016 consultable ici : http://bit.ly/2jB02x0

 

 

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