4A_318/2016 (f) du 03.08.2016 – Expertise médicale privée – expertise mandatée par l’assureur LCA / Procédure – Renonciation à la tenue d’une audience publique – 219 CPC – 233 CPC

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_318/2016 (f) du 03.08.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2eHycjJ

 

Assurance individuelle d’indemnités journalières perte de gain LCA

Procédure – Renonciation à la tenue d’une audience publique – 219 CPC – 233 CPC

Expertise médicale privée – expertise mandatée par l’assureur LCA

 

Renonciation à la tenue d’une audience publique

En matière d’assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale, le juge statue selon les règles de la procédure civile simplifiée (art. 243 al. 2 let. f CPC); la maxime inquisitoire sociale est applicable (art. 247 al. 2 let. a CPC). Si la demande n’est pas motivée, le tribunal la notifie au défendeur et cite les parties aux débats; si la demande est motivée, le tribunal fixe un délai au défendeur pour se prononcer par écrit (art. 245 CPC). Lorsque les circonstances l’exigent, le tribunal peut tenir des audiences d’instruction (art. 246 al. 2 CPC).

Que la demande soit motivée ou non, le tribunal ne peut en principe pas rendre une décision sur le fond sans avoir tenu une audience de débats principaux (Hauptverhandlung), qui est en principe publique (art. 54 CPC). Le droit fondamental à la tenue d’une audience publique est ainsi assuré. Cela étant, les parties peuvent d’un commun accord renoncer aux débats principaux (art. 233 CPC par renvoi de l’art. 219 CPC). La loi ne prescrivant aucune forme, une renonciation par actes concluants n’est pas exclue. Dans la mesure toutefois où des droits fondamentaux sont en cause (droit d’être entendu; droit à la tenue d’une audience publique), une telle renonciation ne saurait être admise à la légère. En particulier, lorsqu’une partie n’est pas assistée par un avocat, le tribunal doit l’informer qu’il statuera sur le vu des écritures à moins qu’elle ne sollicite expressément une audience de débats dans un certain délai. Ces considérations valent spécialement pour les causes relatives à l’assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale, où le juge doit établir les faits d’office, et a fortiori lorsque la cause est jugée par une instance cantonale unique au sens de l’art. 7 CPC (ATF 140 III 450 consid. 3.2; arrêt 4A_627/2015 du 9 juin 2016 consid 2.2).

Une renonciation par actes concluants aux débats principaux doit être admise si les parties, représentées par des mandataires professionnels ou des collaborateurs de leur service juridique, ne requièrent pas expressément la tenue d’une audience de débats, après que la cour cantonale, dans le cadre de la procédure initiée par le dépôt de la demande, a recueilli les dernières observations des plaideurs (arrêt 4A_627/2015 du 9 juin 2016 déjà cité, consid 2.3).

En l’espèce, la cour cantonale, qui avait prié le psychiatre traitant de l’assuré de répondre à un questionnaire, a communiqué aux deux parties la réponse de ce praticien figurant dans un courrier du 08.02.2016, en les invitant à lui faire part de leurs remarques et à « joindre toutes pièces utiles ». L’assurance s’est déterminée le 01.03.2016, déclarant persister dans ses conclusions libératoires. L’assuré a maintenu ses conclusions en paiement dans une écriture du 04.03.2016 et a requis qu’une expertise psychiatrique soit ordonnée, mais pas la tenue de débats. Par courriers des 3 et 8 mars 2016, la cour cantonale a envoyé à chaque partie, pour information, copie de l’écriture de l’autre. Elle a statué sur le litige sur pièces, par arrêt du 24.03.2016.

Devant la Chambre des assurances sociales, l’assuré a agi par l’intermédiaire d’un avocat, alors que l’assurance était représentée par des membres de son service juridique, ayant achevé une formation en droit. Compte tenu de la manière dont la procédure s’est déroulée, l’assuré devait comprendre que l’autorité précitée, après avoir communiqué à chaque partie les dernières observations de son adversaire, allait trancher le litige sur le fond sans tenir d’audience publique. Comme dans l’affaire 4A_627/2015 du 9 juin 2016 susmentionnée, consid. 2.3 in fine, qui a été rendue dans un contexte similaire, il sied de retenir que les deux parties ont renoncé par actes concluants à une telle audience, dès l’instant où aucune d’elle n’en a requis la tenue dans ses dernières écritures.

 

Expertise médicale privée

Il est de jurisprudence qu’une expertise privée n’est pas un moyen de preuve au sens de l’art. 168 al. 1 CPC, mais qu’elle doit être assimilée aux allégués de la partie qui la produit (ATF 141 III 433 consid. 2.6 p. 437; 140 III 24 consid. 3.3.3 p. 29). Seules doivent être prouvées les allégations qui sont expressément contestées. Une telle contestation doit être suffisamment précise afin que l’on puisse déterminer quelles sont les allégations du demandeur qui sont contestées. En d’autres termes, la contestation doit être concrète à telle enseigne que la partie qui a allégué les faits sache quels sont ceux d’entre eux qu’il lui incombe de prouver. Le degré de la motivation d’une allégation exerce une influence sur le degré exigible de motivation d’une contestation. Plus détaillées sont certaines allégations de la partie qui a le fardeau de la preuve, plus concrètement la partie adverse doit expliquer quels sont au sein de celles-ci les éléments de fait qu’elle conteste. Le fardeau de la contestation ne saurait toutefois entraîner un renversement du fardeau de la preuve (ATF 141 III 433 consid. 2.6 p. 438 et les références).

Dans le cas présent, l’assurance a produit l’expertise privée du Dr B.__, comportant sept pages. Ce rapport détaillé permet de saisir le raisonnement de l’expert, qui l’a amené à considérer que l’assuré était en mesure de travailler en tout cas dès le 23.06.2015. Confronté à cette expertise privée, l’assuré s’est borné à la contester globalement par pli du 24.07.2015, déclarant n’être pas d’accord. Il a certes annexé un rapport de deux pages du Dr A.__, psychiatre qui le traite, lequel a nié une valeur probante suffisante au rapport de l’expert privé B.__, faute d’objectivité et de neutralité de ce dernier. Si le Dr A.__ relève des discordances entre le diagnostic posé par le Dr B.__ (trouble de l’adaptation avec réaction dépressive prolongée), les plaintes subjectives de l’assuré et la conclusion qu’il n’est pas incapable de travailler, le premier ne discute pas précisément les allégations figurant dans l’expertise privée. Autrement dit, la remise en cause des allégations factuelles contenues dans cette expertise demandée par l’assurance ne font pas l’objet d’une contestation motivée de l’assuré. De plus, le Dr A.__ ne s’est exprimé qu’après que son patient l’a sollicité, puisque ce dernier a joint le rapport dudit psychiatre à sa contestation globale du 24 juillet 2015.

Dans de telles circonstances, les allégations précises de l’expertise privée – contestées de manière globale – peuvent apporter la preuve de leur véracité si elles sont appuyées par des indices objectifs. Or, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève a estimé, dans sa décision de refus de prestations du 02.12.2015, que la capacité de gain de l’assuré était entière depuis le 25.06.2015.

En conséquence, l’autorité cantonale n’a pas violé l’art. 168 CPC en retenant que l’expertise privée du Dr B.__ avait emporté sa conviction.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 4A_318/2016 consultable ici : http://bit.ly/2eHycjJ

 

 

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