8C_562/2014 (f) du 29.09.2015 – Révision d’une rente d’invalidité – 17 LPGA / Evaluation de la capacité de travail en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables – Exagération des symptômes

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_562/2014 (f) du 29.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1RwkYy9

 

Révision d’une rente d’invalidité / 17 LPGA

Evaluation de la capacité de travail en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables – Exagération des symptômes

 

Assurée travaillant en qualité d’ouvrière agricole. Le 17.03.1997, se blesse l’auriculaire de la main droite avec une trancheuse à oignons (sub-amputation avec fracture comminutive de la phalange distale de l’auriculaire droit). Les suites de l’opération ont été compliquées d’intenses algies remontant le long de l’avant-bras puis, progressivement, jusqu’à l’épaule et la nuque. Un état dépressif s’est surajouté au tableau clinique. Le médecin de l’office AI a retenu un état dépressif majeur et un syndrome douloureux, et conclu à une incapacité de travail totale, principalement en raison d’un état dépressif majeur et, accessoirement, d’un syndrome douloureux. Aucune atteinte somatique, hormis l’amputation elle-même, n’a été retenue. Octroi d’une rente d’invalidité entière dès le 01.03.1998. Le droit à la rente entière a été maintenu à l’issue de plusieurs procédures de révision (communications des 05.07.2001, 10.06.2003 et 18.10.2006).

Nouvelle procédure de révision initiée en octobre 2009. Le médecin traitant de l’assurée rapporte qu’une réadaptation professionnelle dans une activité adaptée à raison de 10 à 12 heures par semaine était envisageable depuis début 2010. Expertise psychiatrique, mettant en évidence les diagnostics suivants : Majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques et sociales, processus d’invalidation très avancé (F68.0) ; Fluctuations dysthymiques (F34.1) ; Fluctuations anxieuses légères (F41.1) ; Syndrome douloureux somatoforme persistant sans comorbidité psychiatrique majeure (F45.4). Il n’a retenu aucune incapacité de travail ou diminution de rendement au plan psychiatrique et fait état de très importantes auto-limitations. Sur le plan somatique, un médecin du SMR s’est prononcé et a constaté de nombreuses discordances et n’a posé aucun diagnostic ayant une répercussion sur la capacité de travail de l’assurée; en considération néanmoins d’un déconditionnement général, il a fixé la capacité de travail à 50 %. Décision : suppression de la rente entière au 31.05.2013, considérant que l’atteinte psychiatrique invalidante qui avait motivé l’octroi de la rente initiale avait disparu.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale n’a pas pris en considération l’incapacité de travail de 50% fixée en raison du déconditionnement physique de l’assurée, celle-ci ne découlant pas d’une atteinte à la santé proprement dite. Par jugement du 16.06.2014, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Révision – 17 LPGA

Aux termes de l’art. 17 LPGA, si le taux d’invalidité du bénéficiaire de rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. En revanche, une simple appréciation différente d’un état de fait, qui, pour l’essentiel, est demeuré inchangé n’appelle pas à une révision au sens de l’art. 17 LPGA (ATF 112 V 371 consid. 2b p. 372; 387 consid. 1b p. 390). Le point de savoir si un tel changement s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit, et les circonstances régnant à l’époque de la décision litigieuse (ATF 133 V 108 consid. 5 p. 110 ss).

En outre, lorsque les faits déterminants pour le droit à la rente se sont modifiés au point de faire apparaître un changement important de l’état de santé motivant une révision, le degré d’invalidité doit être fixé à nouveau sur la base d’un état de fait correct et complet, sans référence à des évaluations d’invalidité antérieures (ATF 141 V 9 consid. 2.3 p. 13; 117 V 198 consid. 4b p. 200; arrêts 9C_378/2014 du 21 octobre 2014 consid. 4.2; 9C_226/2013 du 4 septembre 2013).

In casu, il y a bien eu une évolution favorable de l’état psychique de l’assurée puisque les symptômes dépressifs, qui dominaient le tableau clinique initial, ne sont plus présents. Il s’agit d’une modification notable des faits déterminants par rapport à la situation au moment de l’octroi de la rente, de sorte qu’il existe bien un motif de révision de la rente d’invalidité au sens de l’art. 17 LPGA. Il s’ensuit que le degré d’invalidité de l’assurée peut être fixé à nouveau sans référence à des évaluations d’invalidité antérieures (voir consid. 3 supra).

 

Evaluation de la capacité de travail en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables

Dans un récent arrêt de principe (9C_492/2014 du 3 juin 2015 publié aux ATF 141 V 281), le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d’évaluation de la capacité de travail, respectivement de l’incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables.

Si, dans l’arrêt précité, le Tribunal fédéral a notamment abandonné la présomption du caractère surmontable d’un syndrome douloureux somatoforme, il a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d’exclusion définis dans l’ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l’absence d’une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d’assurance, si les limitations liées à l’exercice d’une activité résultent d’une exagération des symptômes ou d’une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d’un trouble somatoforme douloureux au sens de la classification sont réalisées (voir le consid. 2.2. de l’arrêt 9C_492/2014). Des indices d’une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l’allégation d’intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l’absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l’anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l’expert, ainsi que l’allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact.

In casu, le médecin-expert psychiatre a posé le diagnostic principal de majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques et sociales. Il a étayé son diagnostic par de nombreuses observations allant clairement dans le sens d’une exagération. On peut mentionner notamment: une tendance à l’accentuation et à la démonstration (l’assurée fait des grimaces et des mouvements d’étirement lorsqu’elle parle de ses douleurs qui n’épargnent aucun endroit anatomique de son corps); une mobilité plus grande que prétendue (durant une partie de l’examen l’assurée maintien son bras droit pendu ou sur ses genoux alors que elle l’utilise normalement pour prendre un verre d’eau ou donner sa poignée de main); l’existence de divergences dans les informations données (l’assurée déclare prendre régulièrement ses médicaments contre la douleur et consulter son médecin traitant deux fois par semaine ce qui est contredit par les analyses sanguines et les déclarations du médecin-traitant); un comportement revendicateur; des relations sociales intactes. L’expert a également noté que l’assurée tirait des bénéfices secondaires bien réels de son comportement d’invalide en ce sens que celle-ci avait réussi à organiser sa famille autour de ses handicaps (ses deux fils majeurs dont l’un était marié habitaient toujours chez elle et étaient à son service), laissant clairement entendre « qu’elle a donné pour la vie et la société et qu’elle est en droit de recevoir ». Enfin, l’assurée était totalement opposée à toute idée de reprise d’activité.

Ces éléments justifient d’admettre l’existence d’un motif d’exclusion au sens de la jurisprudence (pour des cas similaires voir les arrêts 9C_899/2014 et 9C_173/2015 des 29 juin 2015).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_562/2014 consultable ici : http://bit.ly/1RwkYy9

 

 

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