8C_408/2014, 8C_429/2014 (f) du 23.03.2015 – Egalité des armes – Rapports des médecins employés de l’assurance / Revenu d’invalide – DPT

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_408/2014, 8C_429/2014 (f) du 23.03.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1dQuf7O

 

Egalité des armes – Rapports des médecins employés de l’assurance / 6 § 1 CEDH

Revenu d’invalide – Caractère convenable d’une DPT / 16 LPGA

 

Egalité des armes – Rapports des médecins employés de l’assurance / 6 § 1 CEDH

Selon l’art. 6 par. 1 CEDH, le principe de l’égalité des armes fait partie des droits à un procès équitable. Ce principe n’est pas uniquement destiné à sauvegarder l’égalité formelle des parties dans la procédure judiciaire mais doit en plus garantir une égalité des chances pour les parties de pouvoir faire valoir leurs moyens devant le tribunal. Toutefois, l’art. 6 par. 1 CEDH n’oblige pas les pays signataires de la Convention à prévoir une complète égalité des armes entre les parties. La Convention exige cependant qu’un assuré ne soit pas mis dans une situation procédurale dans laquelle il n’a aucune chance raisonnable de soumettre son affaire au tribunal sans être clairement défavorisé par rapport aux autres parties à la procédure. En regard de ces règles, il est en principe admissible qu’un tribunal se fonde sur les preuves obtenues de manière correcte par l’assureur et renonce ainsi à sa propre procédure probatoire.

La jurisprudence (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee p. 354) a posé le principe que le seul fait que les médecins de l’assurance sont employés de celle-ci ne permet pas de conclure à l’existence d’une prévention et d’un manque d’objectivité. Si un cas d’assurance est jugé sans rapport d’un médecin externe à l’assurance, l’appréciation des preuves doit être soumise à des exigences strictes. L’existence d’un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l’assurance, doit conduire le tribunal à demander des éclaircissements (ATF 122 V 157 consid. 1d p. 162).

En application du principe de l’égalité des armes, l’assuré a le droit de présenter ses propres moyens de preuve pour mettre en doute la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l’assurance. Il s’agit souvent de rapports émanant du médecin traitant ou d’un autre médecin mandaté par l’assuré. Ces avis n’ont pas valeur d’expertise et, d’expérience, en raison de la relation de confiance liant le patient à son médecin, celui-ci va plutôt pencher, en cas de doute, en faveur de son patient. Ces constats ne libèrent cependant pas le tribunal de procéder à une appréciation complète des preuves et de prendre en considération les rapports produits par l’assuré, afin de voir s’ils sont de nature à éveiller des doutes sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l’assurance.

Il résulte de ce qui précède que les rapports des médecins employés de l’assurance sont à prendre en considération tant qu’il n’existe aucun doute, même minime, sur l’exactitude de leurs conclusions (ATF 135 V 465 consid. 4.7 p. 471). L’ATF 137 V 210 n’a pas modifié cette manière de voir.

Par ailleurs, la violation de la maxime inquisitoire (ou, autrement dit, du devoir d’administrer les preuves nécessaires) est une question qui n’a pas de portée propre par rapport au grief tiré d’une mauvaise appréciation des preuves (voir arrêt 8C_15/2009 consid. 3.2, in SVR 2010 IV n° 42 p. 132). On rappellera que le juge peut en effet renoncer à accomplir certains actes d’instruction, sans que cela n’entraîne une violation du devoir d’administrer les preuves nécessaires (art. 61 let. c LPGA) ou plus généralement une violation du droit d’être entendu, s’il est convaincu, en se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352), que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation (sur l’appréciation anticipée des preuves en général: ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157; 130 II 425 consid. 2 p. 428).

In casu, les avis médicaux au dossier, en plus de contenir certaines divergences, ne sont pas suffisamment étayés pour établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, le taux d’incapacité de travail de l’assuré résultant de l’accident. Ils ne se prononcent ni sur les causes des douleurs, ni sur leur incidence sur la capacité de travail, ni sur le rapport de causalité naturelle entre celles-ci et l’accident. Il y a donc lieu de considérer que la juridiction précédente ne pouvait pas statuer sur la base des avis médicaux au dossier. Elle devait ordonner une expertise pour établir si une incapacité de travail existait et, le cas échéant, si et dans quelle mesure elle était en rapport de causalité naturelle avec l’accident.

 

Revenu d’invalide – ESS et DPT / 16 LPGA

La jurisprudence de l’ATF 129 V 472 consid. 4.2.2, développée en rapport avec la violation du droit d’être entendu (art. 29 Cst.) et de l’égalité des armes (art. 6 par 1 CEDH), a déterminé à quelles conditions devait être soumise la prise en compte des DPT pour calculer le revenu d’invalide. Le Tribunal fédéral a précisé que l’assuré devait avoir la possibilité de se déterminer sur les DPT permettant de fixer le revenu dans un cas d’espèce. Pour ce faire, le Tribunal fédéral a mentionné que les critiques de l’assuré à l’encontre des DPT devaient être faites en règle générale dans son opposition à la décision de l’assureur-accidents, de façon à ce que celui-ci puisse se déterminer dans la décision sur opposition. Cette manière de faire impose donc à l’assureur-accidents de donner tous les informations et les détails sur les DPT dans la décision initiale. In casu, tel n’a pas été le cas, le détail du calcul du revenu d’invalide ayant été communiqué pour la première fois à l’assuré dans la décision sur opposition.

Sur le fond, la juridiction cantonale a refusé d’appliquer les DPT produites par la CNA. Après avoir admis que les cinq DPT concernaient des postes tenant compte des limitations fonctionnelles du recourant, elle a retenu que trois d’entre elles impliquaient des trajets difficilement compatibles avec son état de santé. Concernant les trente-deux DPT produites par la CNA pour étayer le calcul de sa décision initiale, la juridiction cantonale a relevé que huit n’étaient pas adaptées, trois étaient situées en-dehors du canton de Vaud et que seules treize étaient situées à moins de vingt kilomètres du domicile du recourant. La juridiction a donc estimé que les DPT n’avaient pas la pertinence exigée et qu’il y avait lieu de se référer aux données de l’ESS.

La CNA conteste l’appréciation de la juridiction cantonale et considère qu’une certaine mobilité peut être demandée à l’assuré en se référant à l’assurance-chômage, pour laquelle deux heures de trajet pour l’aller et deux heures de trajet pour le retour constituent un maximum. Ces critères seraient respectés dans le cas présent et aucun élément au dossier ne permettrait de considérer que les trajets seraient difficilement compatibles avec l’état de santé de l’assuré.

Selon le Tribunal fédéral (consid. 7.3), le caractère convenable d’une DPT en regard de l’éloignement entre le lieu de travail prévu et le domicile ne peut pas être déterminé à l’avance et d’une manière générale mais elle doit être examinée en fonction de la situation de santé et personnelle de l’assuré ainsi que de son obligation de réduire le dommage (ATF 134 V 109 consid. 10.2.7 p. 129).

En l’espèce, les séquelles de l’accident ainsi que leur influence sur l’état de santé de l’assuré n’ont pas été définies avec suffisamment de précision pour permettre de se déterminer sur l’admissibilité des DPT retenues par la CNA. Renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour qu’elle se prononce à nouveau sur l’admissibilité des DPT au regard des conclusions de l’expertise à ordonner.

 

 

Arrêt 8C_408/2014 consultable ici : http://bit.ly/1dQuf7O

 

 

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