C-503/13 CJUE – Responsabilité du fait des produits – Produit médical posé dans le corps humain

Arrêt dans les affaires jointes C-503/13 et C-504/13

Boston Scientific Medizintechnik GmbH c/AOK Sachsen-Anhalt – Die Gesundheitskasse (C503/13) et Betriebskrankenkasse RWE (C-504/13).

 

Arrêt de la CJUE du 05.03.2015 consultable ici : http://bit.ly/1Hf45o6

Conclusions de l’avocat général, présentées le 21.10.2014, consultables ici : http://bit.ly/1GGXNQ0

 

Responsabilité du fait des produits défectueux / Produit médical posé dans le corps humain

 

La directive sur les produits défectueux [Directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, (JO L 210, p. 29)] prévoit que le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit.

Une entreprise commercialise en Allemagne des stimulateurs cardiaques ainsi que des défibrillateurs automatiques implantables. Des contrôles de qualité effectués ultérieurement par l’entreprise ont démontré que ces produits pouvaient être défectueux et constituer un danger pour la santé des patients. Face à cette situation, le producteur a recommandé aux médecins de remplacer les stimulateurs implantés dans le corps des patients par d’autres stimulateurs mis gratuitement à disposition. Parallèlement à cela, le fabricant a recommandé aux médecins traitants de désactiver un interrupteur dans les défibrillateurs.

Les assureurs des personnes dont le stimulateur ou le défibrillateur a été remplacé réclament au fabricant le remboursement des coûts liés aux interventions.

Saisi du litige entre les assureurs et l’entreprise commercialisant ces dispositifs médicaux et afin de pouvoir trancher le litige au principal, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale d’Allemagne) pose préalablement deux questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) : les stimulateurs cardiaques et le défibrillateur automatique qui ont remplacés et implantés dans l’organisme des assurés concernés, ne peuvent-ils pas être également considérés comme défectueux du fait que ces appareils appartiennent à un groupe de produits qui présentaient un risque de défaillance, alors qu’il n’a pas été constaté de défaut des appareils mais seulement un risque potentiel de défaillance ?

Si la réponse à cette question est oui, alors les coûts de l’opération de retrait du produit et de pose d’un appareil de remplacement constituent-ils un dommage causé par lésion corporelle ?

Dans son arrêt du 05.03.2015, la Cour constate que, eu égard à leur fonction et à la vulnérabilité des patients qui les utilisent, les dispositifs médicaux en cause sont soumis à des exigences de sécurité particulièrement élevées. À cet égard, la Cour souligne que le défaut potentiel de sécurité de ces produits, qui engage la responsabilité du producteur, réside dans la potentialité anormale du dommage qu’ils peuvent causer à la personne.

Dans ces conditions, la Cour juge que le constat d’un défaut potentiel d’un appareil médical permet de qualifier de défectueux tous les produits du même modèle, sans qu’il soit besoin de démontrer le défaut du produit dans chaque cas.

Par ailleurs, la Cour déclare que, s’agissant du remplacement des stimulateurs cardiaques effectué suite aux recommandations mêmes du producteur, les coûts liés à ce remplacement constituent un dommage dont le fabricant est responsable en vertu de la directive.

S’agissant des défibrillateurs automatiques implantables à l’égard desquels le producteur n’a recommandé que la désactivation d’un interrupteur, la Cour constate qu’il appartient à la juridiction allemande de vérifier si une telle désactivation est propre à éliminer le défaut des produits ou bien si leur remplacement est nécessaire à cette fin.

 

Décision de la CJUE :

1) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 85/374/CEE, doit être interprété en ce sens que le constat d’un défaut potentiel des produits appartenant au même groupe ou relevant de la même série de la production, tels que les stimulateurs cardiaques et les défibrillateurs automatiques implantables, permet de qualifier de défectueux un tel produit sans qu’il soit besoin de constater dans ce produit ledit défaut.

2) Les articles 1er et 9, premier alinéa, sous a), de la directive 85/374 doivent être interprétés en ce sens que le dommage causé par une opération chirurgicale de remplacement d’un produit défectueux, tel qu’un stimulateur cardiaque ou un défibrillateur automatique implantable, constitue un «dommage causé par la mort ou par des lésions corporelles», dont le producteur est responsable, lorsque cette opération est nécessaire pour éliminer le défaut du produit considéré. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si cette condition est remplie dans les affaires au principal.

 

 

Communiqué de presse n° 31/15 du 05.03.2015 : http://bit.ly/18nuIuX

 

Pour une analyse de l’arrêt de la CJUE, je renvoie le lecteur à l’article de Philippe Fuchs paru dans la jusletter du 30.03.2015 (« Erhöhtes Ausfallrisiko als Produktfehler ? », accessible ici : http://bit.ly/1NujfYy ; accessible aux abonnés). La contribution se penche sur cet arrêt et explique les conséquences éventuelles dans le domaine des dispositifs médicaux pour le droit suisse sur la responsabilité du fait des produits.

 

 

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